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cahier de doléances de Dompierre-sur-Mer

« Les habitants de la paroisse de Dompierre invités par un effet de la très gracieuse Bonté du Roy à exposer les sujets de plaintes, doléances et remontrances qu’ils peuvent avoir et à donner leur avis sur la Réformation de l’État. Pénétrés de reconnaissance pour ce bienfait inapréciable qui leur rend l’exercice d’un droit inusité depuis près de deux-cents ans, s’empressent de répondre à ce témoignage de confiance.

En conséquence, pour se conformer à ce qui est prescrit par les lettres de Sa Majesté du 24 janvier dernier et par le Règlement y annexé, ainsi que par le cinquième article de l’ordonnance de Monseigneur le Grand Sénéchal du 16 du courant (c’est février), ils prennent la liberté de représenter respectueusement.

1° Que d’après un tarif établi en 1767 par un contrôleur des vingtièmes dans une vérification vague des domaines de la Paroisse, l’évaluation des propriétés a été portée à un prix plus fort que ceux des domaines des paroisses limitrophes, quoique de la même nature et qualité que celle de Dompierre : ce qui fait que les habitants de cette dernière paroisse payent pour la plupart une somme plus forte de vingtièmes que leurs voisins pour des domaines entièrement semblables.

2° Que la somme à laquelle est imposée la paroisse pour la taille et les accessoires, est si peu proportionnée dans son excès à ce qu’elle devrait être, toujours relativement aux paroisses contiguës, que les paroissiens de Dompierre payent par journal de toute terre, cultivée ou inculte, un quart, un tier, une moitié, même plus, de taille que leurs voisins ; que cette surcherge individuelle augmente tous les ans parce que plusieurs particuliers transportent leur domicile sur les paroisses voisines où  la taille est moins forte, en gardant leurs domaines dans celle de Dompierre ; que sur la quantité de journaux de toute cete terre que contient la paroisse, il y en a un sixième ou un septième au moins appartenant à des étrangers qui n’entrent pour rien dans la répartition de la taille de la paroisse ; qu’on ne sait à quoi attribuer l’excès de la cotte de la taille de la paroisse de Dompierre ; que deux ou trois de MM. Les Intendants en ont témoigné leur étonnement et ont promis du soulagement ; mais que cela n’a jamais eu lieu.

3° Qu’en conséquence de ce tau de taille imposé sur la paroisse de Dompierre sans motif, ni fondement, la part qu’elle paye pour la représntation de la corvée est également dénuée de toute proportion. Que le Roi, par son dernier Édit au sujet des corvées, ayant ordonné qu’on ne pourrait exiger pour la corvée plus du sixième du tau de la taille, les habitants se trouvent pourtant imposés à une plus forte somme par l’extention donnée arbitrairement à la loi du prince ; que non seulement on a exigé dès la premièr efois, ce  sixième à la rigueur, sans chercher à voir si une moindre fraction ne suffirait pas ; mais que fiscalement, on a calculé ce sixième sur la masse de la taille y compris les frais de perception ; et qu’ensuite on a joint les frais de perception de cette fraction à la fraction même, ce qui n’a fait qu’aggraver le sort des contribuables.

4° Qu’en admettant qu’il soit plus juste et plus utile de payer les travaux des chemins en argent que de les faire faire comme cy-devant ; il est  contre toute équité d’avoir rejeté cette charge sur les seuls taillables, au lieu de l’avoir fait supporter indistinctement par tous les propriétaires, avec d’autant plus de raison que les plus considérables de ceux-ci profitent certainement le plus de ces mêmes chemins pour leurs denrées, ainsi que pour les objets nombreux de leurs besoins de toute espèce, sans parler de leurs propres voitures.

Que les habitants de la paroisse de Dompierre sont d’autant plus dans le cas d’insister sur cet article que cette nouvelle imposition est exactement pour eux égale à un vingtième ; en sorte qu’ils payent comme tous les autres, deux vingtièmes calculés sur un tarif exagéré, cinq vingtièmes pour lle montant de leur taille individuelle, et un vingtième pour la corvée.

5° Que relativement à l’adjudication des chemins ils n’ont pu voir sans peine comment a été faite, tant celle qui concerne particulièrement l’étendue dont ils étaient chargés ci-devant, que toutes les autres : qu’on avait éloigné tous ceux qui voulaient concourir à cette adjudication, même des Maîtres maçons, et des architectes de la ville, qu’on avait refusé d’admettre à la confection du chemin les propres syndics et habitants de quelques paroisses voisines de la Rochelle, ce qui avait empêché ceux de Dompierre d’offrir de faire leurs anciennes tâches ; que lorsque les habitants de la campagne étaient chargés de la corvée on les obligeait à casser sur le bord des fossés les pierres destinées à couvrir la chaussée, et de les réduire à la grosseur dun pouce carré, ou d’une noix, ainsi que le porte expressément l’ordonnance de Monsieur de Reverseaux en date du … ; mais qu’aujourd’hui l’adjudication les place sur cette même chaussée presque comme au sortir de la carrière, et que, quand il en casse, il le fait souvent sur la chaussée même, ce qui était sévèrement défendu ci-devant ; que les fossés qui bordent le chemin ne sont point recalés et ne procurent par conséquent point d’écoulement aux eaux ; que quand l’adjudicataire fait de temps à autre travailler à ces fossés comblés par la boue, à peine les excave-t-on de quelques pouces ; que les habitants de la paroisse de Dompierre, lors de la conversion de la corvée en une prestation en argent, avaient plusieurs dizaines de toises de pierres tirées et portées sur le chemin ; qu’on s’en est emparé sans leur en donner la moindre indemnité, au moyen de quoi ils ont payé les chemins en argent et en nature.

6° Que le régime oppresseur des aides ne cesse de multiplier les droits, les règlements et les assujetissements sur les vins et les eaux-de-vie, denrées qui forment presque tout le revenu de la paroisse de Dompierre ; qu’entre la portion considérable du produit qui est absorbée par ces exactions, il n’est personne qui puisse être assurée de ne pas tomber en contravention, vu les règlements bizarres, donnés en cette partie ; qu’il en est d’assez absurdes pour faire condamner à l’amende un domicilié pour des fautes commises par un tiers à plusieurs lieues de là : que le commerce des vins et eaux-de-vie dans l’Aunis est géné de la façon la plus préjudiciable aux intérêts des cultivateurs par toutes ces entraves.

7° Que les droits excessifs du controlle portent également un grand préjdice aux habitants de Dompierre, ainsi qu’à touts ceux de la campagne ; que por s’y sostraire les propriétaires s’y refusent très souvent à passer les actes les plus nécessaires à leur tranquilité ; que nombre de partages intéressants se font sans qu’il en existe un écrit ; ou s’ils en font passr des actes par devant notaires ils cherchent tout ce qui peut les mettre dans le cas de payer le moins possible ; d’où naissent des procès ruineux entre les héritiers, ou des poursuites de la part des commis du controlle des amendes ; et plusieurs vexations.

8° Qu’une nouvelle place, celle du Juré Priseur, vendeur de biens meubles, est venue, depuis peu, augmenter les charges des malheureux habitants des campagnes, que le doit de cet officier d’être présent à tos les inventaires, de faire toutes les ventes d emeubles de la banlieue de sa résidence, et de recevoir douze francs par chaque vacation de chacun de ces actes, outres les autres droits de minute six sous par rolle de grosse, quatre deniers pour livre et recouvrement ne peut qu’être excessivement onéreux, surtout quand on songe aux médiocres objets qui forment habituellement le mobilier des gens de la campagne ; que nonbstant ce grand bénéfice, il n’est pas à la lberté des parties requérantes de faire procéder à ces sortes d’actes dans le temps qui leur est le plus propre et le plus avantageux, en égard à la grande quantité d’actes.

Quelques uns des sujets de doléances cy-dessus ont leur source dans l’avidité des gens de finances, et les besoins du Gouvernement ; mais les plus graves proviennent de l’administration insuffisante de MM. Les Intendants. Comment concevoir en effet, qu’un suel homme avec les meilleures intentions, puisse vaquer à tant de soins qui lui sont confiés ? qu’il puisse remédier à tant de désordres ou empêcher qu’ils naissent ?

Aussi, les habitants de la paroisse de Dompierre, laissant à d’autre plus habiles qu’eux, à présenter les moyens de subvenir aux besoins de l’État, se bornent à exprimer le vœu ardent qu’ils font pour que le Roy daigne accorder à l’Aulnis des États Provinciaux chargés de s’occuper de la répartition des impôts et de tous les objets publics. Alors la nation, étant pour quelque chose dans la conduite de ses affaires, les habitants de la campagne pourront espérer un meilleur avenir des assemblées municipales, suite de l’établissement des États Provinciaux, mettrot à portée de connaître les Besoins des paroisses, et d’y faire le plus grand Bien possible. Alors on ne dira plus, comme l’on fait aujourd’hui, qu’en France les intendants et les subdélégués sont tout ; Et la nation rien.

À Dompierre, le 1er mars 1789

Signatures : Daguin, Monneron, F. Gazeau, Leconte, J. Supet, Chaillé, Barbotin, Gazeau, Bernier, F. Pelletier, P. Moreau, Bonnaudin, Jean Hillaireau, Jacques Lambert, André Bouyer, Étienne Jollivet, Jean Chaigne, J.Gorron, M. Michot, p. André Naudin, Carré de Candé.

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