L'immigration n'est pas un danger

     Depuis la préhistoire, l’histoire humaine, partout et à toutes les époques, est faite de migrations. Il n’y a pas, il n’y a plus –Y-a-t-il jamais eu ?- de populations autochtones.

     Et aujourd’hui, ce mouvement se perpétue, facilité parfois par les progrès techniques des communications et des transports et par la mondialisation économique.

    Que les Européens peuplent l’Australie en éliminant les Aborigènes, ou l’Amérique en perpétrant le génocide des Indiens, n’a d’ailleurs jamais perturbé les Européens. Que les Français peuplent l’Algérie en chassant de leurs terres les Algériens n’a jamais perturbé les Français.

     Pourquoi faudrait-il alors que le nouvel apport de peuplement en France, intervenu depuis le XXème siècle après les Polonais, les Italiens, les Portugais et les Espagnols, effectué pacifiquement par des immigrés issus maintenant surtout d’Europe de l’Est, d’Afrique ou d’Asie, nous perturbe davantage ?

     D’ailleurs, immigrés, comme les Curie, les Tazieff, ou enfants d’immigrés, comme les Zola, les Picasso ou également les Kopa, les Platini, les Zidane, les Sarkozy et les Valls même, semblent à tous constituer de « bons Français ».

    Pourtant, un courant idéologique de droite, auquel se réfère entre autres partis politiques, le Front national, essaye de faire de l’immigration la cause de tous les maux dans la France actuelle.

     Cette tendance existe en réalité depuis longtemps. Elle a toujours pointé du doigt les immigrants successifs en France, qu’ils soient Juifs, Italiens, Polonais, Espagnols, Portugais, d’Afrique noire, Algériens, Tunisiens, Marocains, Turcs ou Roumains.

     « Ces « gens-là » viennent « chez nous » et rabaissent notre qualité de vie, par leur seule présence, par leurs coutumes, par leur religion, par la concurrence économique qu’ils représentent, par leur état d’esprit et leur dangerosité, etc. ».

      Comment ce message peut-il être à nouveau accueilli par la population déjà installée sur le territoire français puisqu’il est le même à chaque vague d’immigration ?

     Parmi ceux qui adhèrent à cette propagande, ne faudrait-il pas distinguer plusieurs strates ?

Les cerveaux reptiliens

     La première couche concerne ceux dont la condamnation de l’immigration s’appuie sur un substrat idéologique raciste. Car « le ventre est encore fécond d’où naquit la bête immonde » qui établissait une hiérarchie entre les humains selon leur couleur de peau, la taille de leur nez ou leur appartenance à tel ou tel groupe.

     Pour contrecarrer ces assertions, il est nécessaire de rappeler qu’en France, le racisme n’est pas une opinion mais un délit. Il suffirait donc d’appliquer en toutes circonstances la loi qui le réprime. L'injure raciste est par exemple punie par la loi depuis  juillet 1972.

     Cette loi stipule que : « Ceux qui, (…) auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende (…) » La peine prévue actuellement est « d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende… ».

Homo economicus

     Le deuxième niveau auquel font appel les pourfendeurs droitiers des immigrés, c’est le prétexte économique. Comment partager le travail quand il n’y en a déjà pas assez ?

     Pourtant, les personnes immigrées qui travaillent en France produisent des richesses, cotisent à la sécurité sociale, paient leurs impôts et consomment. Loin d’être des problèmes, ils sont au contraire une solution, à la condition d’être traités équitablement, pour ne pas constituer un volant de main d’œuvre à bon marché et donc une masse de pression sur le niveau général des salaires.

      En 2010, les immigrés recevaient de l’Etat 47,9 milliards d’euros, sous forme d’allocations diverses mais ils en reversaient 60,3 milliards sous forme d’impôts divers. Le solde était donc positif de 12,4 milliards d’euros pour les finances publiques. Sans oublier que, d’après le très officiel Comité d’orientation des retraites, l’entrée de 50 000 nouveaux immigrés par an permettrait de réduire de 0,5 point de PIB le déficit des retraites.

     Et cependant, cette strate fait néanmoins aussi appel à des relents racistes car rares sont ceux qui invoqueraient la raison économique quand les immigrés sont, par exemple, anglais, suédois ou états-uniens et nombreux aussi sont ceux qui n’hésitent pas à établir une hiérarchie dans la dangerosité supposée des immigrés selon qu’ils sont Maghrébins, Italiens, Chinois, Portugais, Sénégalais, Roumains ou Maliens.

Hypertrophiés du moi

     Une troisième argutie est invoquée par ceux qui se font des illusions chauvines sur l’attraction supposée irrésistible du « pays des droits de l’homme » ou même sur l’attrait simplement culturel ou économique de la France.

     Ceux-là prétendent vouloir une immigration « choisie » sans se rendre compte que les étrangers qui ont franchi le pas de venir travailler en France constituent déjà une élite dans leur pays, parfois aussi bien sur le plan financier que pour leur niveau d’études ou de qualification et surtout pour leur courage et leur esprit d’aventure. La France n’est d’ailleurs pas toujours leur premier choix !

      Ce sont aussi ces chauvins de Français-là qui se fourvoient dans une perspective d’assimilation de ces immigrés. Ils devraient, pensent-ils, abandonner leurs coutumes et leurs religions au profit « des nôtres », rêvées comme uniques et universalistes.

Courage, détermination, persévérance et intelligence

     Les immigrés sont avant tout des gens courageux. Le plus souvent, c’est une impérieuse  nécessité qui les a poussés hors de chez eux. Il reste que si la misère touche un grand nombre de personnes dans certains pays, il n’y en a que quelques-uns à se lancer dans cette aventure du déracinement.

     Car c’est une rude aventure que de partir « les mains sur la tête » (sans rien), dans un pays aux mœurs, à la religion et surtout à la langue étrangères. Et d’autant plus quand on a des enfants en charge.

     N’oubliez pas non plus que ces migrants laissent derrière eux une famille, des amis. Ceux-là leur manqueront, bien sûr et ils ne savent pas si, ou quand, ils les reverront. Mais eux-aussi de leur côté vont manquer à cette famille et à ces amis restés au pays.

     Les immigrés doivent être des gens déterminés.

     L’aventure commence aussi par la quête des documents nécessaires au voyage et au séjour. Constituer des dossiers pour obtenir des visas, des cartes d’identité de la nationalité souhaitée, les autorisations nécessaires pour travailler, et finalement un emploi, souvent bien loin de la qualification de départ, tout cela représente un casse-tête aisément imaginable, auquel s’ajoute parfois l’obstacle de la langue.

     Au courage et à la détermination, ils doivent donc ajouter la persévérance.

     Et pour s’adapter, une fois installés dans leur nouveau pays, ils doivent faire preuve d’une grande intelligence.

Une vraie richesse

     Les immigrés sont aussi riches de cultures, de traditions, de langues différentes.  Ils ne veulent pas les abandonner. Et alors ? Ils ont raison. Ces cultures, ces traditions, ces langues doivent vivre. Quelle richesse que le bi- et pour certains le tri-linguisme !

     Ils n’ont pas une religion chrétienne ? Et alors ? Si les Musulmans, les Bouddhistes, les Hindouistes, les Animistes doivent tolérer les Chrétiens partout dans le monde, pourquoi les Chrétiens ne devraient-ils pas tolérer les Musulmans, les Bouddhistes, les Hindouistes ou les Animistes en France ?

     Tolérer tous les croyants n'interdit d'ailleurs pas de pouvoir contester toutes les croyances irrationnelles, toutes les religions !

     Beaucoup parmi nous sont athées et réussissent à confiner désormais le christianisme traditionnel de l’Occident dans la sphère privée de leurs concitoyens plus crédules. Ils sauront le faire aussi avec l’Islam ou le bouddhisme. Et la République laïque doit imposer à tous, la tolérance.

 

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