Une découverte aérienne de Michel Bernard

L’HEBDO

Dossier du 04/11/2009

Ce temple qui bouscule les connaissances

  Les contours du temple gallo-romain qui remettent en cause la connaissance archéologique. (Photo Michel BERNARD/ECAV-Aviation)

Petit séisme dans le landernau archéologique régional. En découvrant, en juin dernier, à Saint-Georges-du-Bois, le temple gallo-romain qui 'va avec' l'amphithéâtre découvert par Jacques Dassié en juin 1976, le photographe aérien Michel Bernard vient de faire taire la voix officielle qui en faisait « le seul (amphithéâtre) du monde romain à avoir été édifié loin d'une ville. » Une découverte capitale qui atteste (si besoin était) la forte présence gallo-romaine en Aunis.

Un mystère pour les uns, des certitudes pour les autres, viennent de tomber. La découverte que vient de faire le photographe aérien Michel Bernard vient secouer le cocotier de l'archéologie régionale et remettre quelques pendules à l'heure.
Les faits. Survolant en ULM la commune de Saint-Georges-du-Bois, mardi 23 juin 2009, Michel Bernard aperçoit nettement au sol, dans un champ de blé, les contours de vestiges que son expérience identifie rapidement comme un temple gallo-romain. Jusque-là pas de quoi fouetter un chat tant la région est riche de ces témoignages du passé, si ce n'est que cette découverte, lui et quelques archéologues régionaux courent après depuis 32 ans. C'est un genre de quête du Graal qui trouve sa conclusion. Et une nouvelle aventure qui commence.

«En juin 1976, on a trouvé l'amphithéâtre gallo-romain de Saint-Georges-du-Bois, un édifice de 3 000 places, et rien autour, explique Michel Bernard. La villa la plus proche avait été découverte à Saint-Germain-de-Marencennes et, plus récemment, on a mis à jour celle de Saint-Saturnin-du-Bois. On a cherché autour, moi-même chaque fois que je passais au-dessus je jetais un oeil, mais rien, absolument rien. On a cherché pendant trente-trois ans.»

Un mystère et un non-sens que cet amphithéâtre isolé. Un mystère qui fera naître une polémique et exacerbera le vieil antagonisme entre Saintonge et Aunis.

Eviter les pillages et les dégradations

Pour l'heure, nous sommes le 23 juin 2009. Sur le chemin du retour après une mission photographique dans la Vienne, Michel Bernard détourne légèrement la route de son ULM pour passer au-dessus de Saint-Georges-du-Bois, au cas où...

«Dans la lumière rasante du soir, je vois les contours d'un temple, à 300 ou 400 mètres de l'amphithéâtre, et alentour d'autres traces de bâtiments. On a manifestement affaire à un gros ensemble parce qu'on relève des traces sur plusieurs hectares.»

Le secret de l'implantation exacte est pour l'instant bien gardé afin d'éviter le pillage et la dégradation du site comme cela a été le cas après la découverte de l'amphithéâtre. «Après l'annonce de la découverte de l'amphithéâtre, il y a eu une autorisation de sondage pour s'assurer de l'authenticité de la découverte. Or, quand les gens ont vu ces scientifiques creuser la terre, ils ont tout de suite pensé trésor. Alors tout le monde est venu chercher, gratter ou creuser à son tour et le site a été fortement dégradé. À certains endroits, les murs de l'amphithéâtre ont baissé de 1,5 mètre. Pour cette nouvelle découverte on veut éviter ça et il n'y a guère qu'au service régional de l'Archéologie où le site a été enregistré que l'on sait précisément où elle se trouve.»
Cette découverte annonce de gros changements dans la connaissance de l'histoire de Surgères et de ses environs puisque jusqu'à la découverte de ce temple la position officielle des services départementaux de l'archéologie était que rien ne pouvait exister autour de l'amphithéâtre qui se posait en exception de la logique urbaine gallo-romaine.

On touche-là l'antagonisme qui, de longue date, règne entre Aunis et Saintonge. Une guéguerre de territoire et de langues qui s'est répandue jusque dans l'archéologie. «Un jour que je donnais une conférence sur ce que la photo aérienne peut apporter à l'archéologie et sur mes découvertes vues du ciel, je me suis entendu dire par l'archéologue de la ville de Saintes : «Mon brav' monsieur, que voulez-vous que les romains aillent faire dans vos basses terres d'Aunis, alors qu'ils avaient la riche Saintonge ?»

Pas de Romains en Aunis? Vraiment ?

Pendant longtemps, les archéologues saintongeais ont nié la présence des romains en Aunis, ou du moins la considéraient-ils anecdotique, là les récentes découvertes viennent battre froid ces certitudes. Et cette dernière découverte à Saint-Georges-du-Bois prend un petit air de revanche pour Michel Bernard. Le photographe aérien féru d'archéologie a vu sa thèse de doctorat sur la présence des romains en Aunis non validée parce qu'à l'époque où il l'a soutenue les positions en la matière étaient fermes et non négociables : les romains n'avaient jamais mis les pieds en Aunis. «À l'archéologue de la ville de Saintes aujourd'hui à la retraite qui a dit et écrit que l'amphithéâtre de Saint-Georges-du-Bois était le seul exemple d'amphithéâtre sans habitat autour, je vais me faire un plaisir d'envoyer des copies des photos et des articles.» Sur le même thème, on se rappellera la position tout aussi ferme de l'historien saujonnais Léon Massiou qui contestait la présence de la ville antique de Novioregum sur le site de Barzan.

La présence seule de l'amphithéâtre qui pouvait contenir 3 000 places atteste la présence d'une nombreuse population autour de St-Georges-du-Bois. «Une villa gallo-romaine c'étaient 100 à 200 personnes dont 10 seulement étaient susceptibles d'aller à l'amphithéâtre, les autres étant des travailleurs. On est donc en droit de penser qu'il y avait alentour beaucoup d'autres villas que celles de St-Germain-de-Marencennes, du Magneraud, de Fortenuzay et de St-Saturnin-du-Bois récemment découverte.»

Depuis cette découverte, c'est toute la gent archéologique qui fait son mea culpa et se projette dans un avenir radieux qui laisse supposer de possibles (et probables) découvertes sur les communes de Saint-Mard, Marsais, Saint-Pierre-d'Amilly, Bouhet, Vouhé, La Laigne, Cram-Chaban et dans les Deux-Sèvres : Prin-Deyrançon, Usseau, Thorigny et peut-être Mauzé. Georges Durand, archéologue distingué avoue, dans la revue La lettre d'Archéaunis : «Nous pouvons confier que 29 sites de cette période ont été découverts par les prospecteurs locaux (...) dans un rayon de dix kilomètres et plus d'une dizaine de kilomètres suivants.»

Des cachotteries pour la bonne cause de la préservation des sites et pour leur épargner l'invasion intempestive des poêles à frire détecteuses de métaux. Un site gallo-romain découvert à Fortunezay vient d'être récemment ravagé par plus de 60 creusements suite à des recherches avec ces détecteurs de métaux.

La découverte du temple de Saint-Georges-du-Bois est à ce point importante que les cercles archéologiques régionaux sont en train de reconsidérer toutes les trouvailles faites à ce jour et réunir ceux qui les ont faites pour relancer toute la recherche sur cette partie de la région. «Ce n'est pas Talmont, ni Barzan, ni Saintes, mais cette découverte offre une vision de l'Aunis complètement différente.»

Quand la politique s'en mèle  

Il y a encore peu de temps, la thèse "officielle" (celle des personnes ayant "le droit" de s'exprimer dans ce domaine), était que les Romains ne s'étaient pas installés en Aunis. Dans les écrits antiques, Jules César parlait déjà de Saintes et des Santons, mais ne citait pas l'Aunis!

Il s'agit simplement d'un aléa politique lié à la création des départements français. Notre département a été créé par l'assemblage artificiel des provinces d'Aunis et de Saintonge (avec un petit morceau du Poitou). Provinces que tout séparait, histoire, commerce, marais, religion, ainsi que la préfecture arrachée à Saintes par La Rochelle.

Au XIXème et au début du XXème siècle, la recherche historique a surtout porté sur la région saintaise extrêmement riche en vestiges de tous genres. La fin du XXème siècle a vu la découverte et les fouilles du Moulin du Fâ, à Barzan, ville portuaire liée à l'histoire de Saintes. Toutes les découvertes fortuites réalisées en Aunis ont été longtemps passées 'à la trappe'. À partir de 1976, il a bien fallu revenir sur cette vision des choses : mise à jour d'une villa romaine aux Minimes (La Rochelle) et d'autres habitations à Saint-Éloi (La Rochelle) et à Nieul-sur-Mer. Et surtout, la découverte par le prospecteur aérien Jacques Dassié de l'amphithéâtre gallo-romain de Saint-Georges-du-Bois. Difficile après ça de nier la présence romaine en Aunis. Ces découvertes, que rien ne reliait entre elles, ont suffi dans un premier temps à satisfaire les chercheurs locaux. On pouvait enfin reconnaître à l'Aunis une histoire qu'on lui refusait jusque-là."


 

 

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