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La municipalité de Périgny et le deuxième Empire

Il est posible de suivre une partie de l'histoire du Second Empire à Périgny à travers les voeux émis de façon autant récurrente que contradictoire par son conseil municipal :

Pour la République 

     Le 12 mars 1848, le Conseil  de Périgny avait reconnu la IIème République en ces termes :

«…Le Conseil déclare à l’unanimité reconnaître le gouvernement provisoire, sa constitution et la république […] le concours des habitants de la commune est assuré pour le maintien de l’ordre, le respect dû aux lois et aux propriétés… ».  

Pour le rétablissement de l’Empire 

     Néanmoins, lors du premier plébiscite, le 20 décembre 1851, approuvant les institutions proposées par le président Bonaparte, il y eut à Périgny 231 votants, 228 « oui », 2 « non » et 1 bulletin blanc. Ce fut presque pire encore pour le plébiscite de l’année suivante avalisant le rétablissement de la dignité impériale, puisque le 21 novembre 1852, sur 253 électeurs, on compta 236 votants, 235 « oui » et 1 seul « non ».

     Il faut dire que dès octobre 1852, le Conseil municipal appelait de ses vœux le rétablissement de l’Empire :

«Monsieur le maire propose à Messieurs les conseillers municipaux de s’associer au même vœu du Conseil Général [demandant le rétablissement de l‘empire héréditaire sous la dynastie napoléonienne] … tous les conseillers présents au nombre de douze, à l’unanimité sont d’avis du rétablissement de l’empire héréditaire sous la dynastie napoléonienne, en considération de l’admirable dévouement du prince auprès de la patrie, pour le service immense qu’il a rendu à la France en la préservant des horreurs de l’anarchie.» 

Pour le mariage 

     L’année suivante, le 11 février 1853, le Conseil eut encore l’occasion d’assurer l’Empereur de son dévouement, à l’occasion de son mariage avec Eugénie de Montijo :

«Sire, la France entière a appris avec une vive satisfaction le mariage que votre Majesté vient de contracter. Nous sommes heureux d’associer nos félicitations … Nous vous prions, sire, de bien vouloir…» 

Pour la naisance de l’héritier

     Puis, encore, pour la naissance d’Eugène-Louis Napoléon en 1856 :

«Sire, le conseil municipal de la commune de Périgny est heureux d’offrir à Votre Majesté, l’expression de ses félicitations respectueuses à l’occasion de la naissance du Prince Impérial. Il s’associe à la France entière pour prier la Providence qui vous a donné tant de preuves de sa protection, de veiller sur le berceau de l’Auguste Prince».

Pour la paix et pour la gloire

     Lors de la guerre de Crimée, déclenchée en 1853 pour empêcher le tsar Nicolas Ier  d’occuper la Moldavie et la Valachie, alors possessions ottomanes, lorsque les Russes évacuèrent Sébastopol, en 332 jours de siège, les alliés avaient perdu 120 000 hommes, autant que l’adversaire : les Français 95 000 dont 75 000 de maladies, les Anglais environ 25 000 et les Sardes, environ 2 000. 

     Les négociations de 1856 aboutirent à la signature du traité de Paris.
    Il prévoyait l’autonomie des deux principautés de Moldavie et de Valachie. Pour la France, le traité de Paris apparut un peu comme la revanche du congrès de Vienne et des humiliations subies en 1815, comme la promesse d’une nouvelle période de prépondérance.

     Aussi le Conseil Municipal de Périgny se fendit-il d’une nouvelle adresse à l’Empereur :

« Sire, le Conseil municipal de Périgny prie votre majesté d’agréer ses félicitations sur la valeureuse campagne que vous venez de terminer si promptement [3 ans de guerre, 3 à 400 000 morts et 143 millions de livres sterling dépensées par la France] et surtout si honorablement pour votre Majesté, notre France et ses enfants. Vous avez sauvé notre pays de l’anarchie, il vous était dû de relever encore par la gloire et surtout par cette paix inattendue que vous lui avez donné. […] [Le conseil] demande au ciel d’étendre sa protection divine sur les jours si précieux de votre Majesté, sa Majesté l‘Impératrice et sur votre auguste fils, le Prince Impérial."

Contre l’attentat de Bérézowski

     Antoine Bérézowski, Polonais né en Volhynie, arriva à Paris en 1865 pour apprendre la profession d’ouvrier mécanicien.

     70 ans plus tôt, la Pologne avait été partagée  entre la Russie, la Prusse et l’Autriche et, en 1815, après le congrès de Vienne, Alexandre Ier de Russie reconstitua un royaume de Pologne qu’il unit définitivement à l’Empire de Russie. En janvier 1863, Alexandre II fit réprimer dans le sang une vaste insurrection par 300 000 soldats.

     Or, en 1867, ce tsar vint à Paris pour visiter l’exposition universelle.

     Dans le bois de Boulogne, le 6 juin 1867, Bérézowzki tira sur lui alors qu’il revenait d’une inspection militaire à Longchamps,  acompagné de ses deux fils et de l’Empereur des Français, Napoléon III. Le pistolet explosa lors du coup de feu et la balle ne blessa (à mort) que le cheval d’un membre de la suite de l’empereur,  l'écuyer Raimbeaux et l’auteur du coup de feu lui-même (qui dut être amputé du pouce le lendemain.).

     À son procès, Bérézowski déclara avoir voulu tirer sur le tsar dans le seul but de sauver sa patrie [la Pologne] et il exprima des regrets d’avoir fait cela dans un pays ami : la France. S’il échappa à la peine de mort, il fut néanmoins déporté au bagne en Nouvelle Calédonie. 

     Comme de très nombreuses autres municipalités, celle de Périgny crut devoir exprimer son indignation :

«Sire, la France entière est justement indignée du terrible attentat qui a été dirigé contre votre Majesté et ses augustes hôtes. Le Conseil Municipal de Périgny, canton de La Rochelle, interprète du sentiment qui a toujours inspiré la population de cette Cité vient avec empressement vous exprimer la profonde douleur dont tous ses habitants ont été saisis en apprenant le danger imminent auquel vous aviez personnellement été exposé. Il croit devoir offrir à votre Majesté à cette occasion, l’expression de son loyal et inaltérable dévouement et sa plus respectueuse affection.»

Pour la répression des agitateurs

     De quels agitateurs et de quel complot s’agissait-il donc lorsque le 22 mai 1870, le conseil municipal de Périgny s’adressa à l’Empereur en ces termes ?

« Sire, le Conseil Municipal de Périgny (canton Est de La Rochelle, Charente Inférieure) organe de la population entière de cette commune qui vous est toute dévouée ainsi qu’à votre dynastie, proteste, avec tous les gens de cœur, contre l’horrible complot dont votre Majesté a été menacée.
Vous pouvez compter, Sire, sur l’entier dévouement de notre poppulation [sic] et en particulier sur notre fidèle concours pour réprimer les agitateurs.
Ce sont là, Sire, les vœux que le Conseil Municipal de Périgny exprime à votre Majesté ; il y joint l’hommage de son respect et de son dévouement.
»

     Le nouveau projet de constitution destiné à consacrer la transformation de l'Empire autoritaire en Empire libéral,  après qu'un sénatus-consulte eut promulgué cet acte,  fut soumis le 8 mai 1870 à plébiscite : « Le peuple approuve les réformes libérales opérées dans la constitution depuis 1860 par l’empereur…et ratifie le sénatus-consulte ». Ce plébiscite, qui donna sept millions de oui au gouvernement,  coïncida avec la « découverte » d'un complot et d'un attentat contre la sûreté de l'Etat, et la convocation d'une haute cour de justice.  

     Karl Marx le fit remarquer : le gouvernement bonapartiste avait fait l'amalgame de deux procès différents pour des raisons électorales évidentes. Au reste, après le plébiscite, le gouvernement le reconnut pratiquement lui-même. Il s'agissait d'abord de ce que l'on appelle le « troisième procès » de l'Internationale, intenté pour délit de « société secrète ». 37 membres des sections parisiennes de l’Internationale furent poursuivis.

     L'autre procès, jugé à Blois et dit « du complot», était dirigé plus particulièrement contre des blanquistes ayant préparé « un attentat contre la sûreté de l'État et contre la vie de l'Empereur » ; parmi eux figuraient Ferré, Gromier, les frères Villeneuve, Sapia, Dereure et Mégy. Ces deux derniers étant membres de l'Internationale, on fit l'amalgame des deux procès.

     Voici comment Karl Marx et Friedrich Engels expliquaient ce soit-disant complot dans « Le parti de classe, K. Marx - F. Engels, Vers la guerre et la Commune,  Les activités de l'Internationale et la Commune de Paris» :

      «Vous vous souvenez de l'avant-dernier « complot » lors du plébiscite. Bien des électeurs paraissaient irrésolus et n'avaient plus un sentiment positif sur le régime impérial, sur ce régime dont on leur avait dit qu'il avait sauvé la société de redoutables dangers auxquels ils ne croyaient plus à présent. Il fallut donc un nouvel épouvantail, et la police se mit en chasse. Toutes les coalitions ouvrières lui étaient odieuses, et elle avait, bien entendu, un compte à régler avec l'Internationale. Une idée lumineuse lui vint : l'Internationale ne ferait-elle pas un magnifique épouvantail ? Ce choix aurait le double avantage de discréditer l'Association et de racoler des sympathies pour la cause impériale.

      C'est cette heureuse idée qui a donné naissance au ridicule « complot » contre la vie de l'Empereur   comme si nous avions la moindre envie de tuer cette ridicule vieille baderne.

     On a arrêté les membres dirigeants de l'Internationale. On a fabriqué de faux témoignages, et dans le même temps on a procédé au plébiscite.

     Mais la comédie qu'on voulait monter prit rapidement les allures d'une farce, et de l'espèce la plus grossière. Il y a en Europe des gens avertis qui ont été les témoins de toute cette affaire et dont le jugement n'a pas été abusé un seul instant. Seul l'électeur des campagnes françaises a avalé la couleuvre. Par respect envers le pouvoir, les juges français durent admettre l'existence du complot, mais ils furent bien obligés de reconnaître qu'aucune preuve n'existait de la complicité de l'Internationale.»

     « Seul l'électeur des campagnes françaises a avalé la couleuvre. » ajouta Friedrich Engels.

Pour la République

     Deux mois plus tard, en juillet 1870, la France déclarait la guerre à la Prusse, l’armée impériale était défaite autour de Metz et l’Empereur prisonnier à Sedan. Le 4 septembre la République était proclamée à Paris. Finalement, le 11 septembre 1870, Périgny se résignait à soutenir, « chaleureusement » mais somme toute assez sobrement,  la République :

«Le conseil municipal de Périgny, canton Est de la Ville de La Rochelle, organe des habitants de la commune, déclare donner sa chaleureuse adhésion au gouvernement républicain. Tous ses efforts tendront à faire respecter ce gouvernement, qui a sauvé la patrie en danger et lui  offre son concours le plus dévoué.»

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