La co-éducation à l'école

De la co-éducation (Mixité scolaire) à l'école de Périgny

Dans les années 1930, Monsieur et Madame Chabaud étaient les instituteurs des écoles de Périgny. Il y avait en effet deux écoles, une de garçons et une école spéciale de filles.  Ils y pratiquaient ce qu’on appelait alors la coéducation, c’est-à-dire la mixité, séparant les élèves en deux groupes, non selon leur sexe mais selon leur âge.

En 1926, le gouvernement Herriot avait d'ailleurs proposé de légaliser ces écoles "géminées". En 1930, le Sénat autorisa même la transformation des écoles spéciales (de filles) à effectif réduit, en écoles à une ou deux classes. Près de 24000 écoles en France étaient déjà mixtes l’année suivante.

Le débat sur la mixité

Ce débat faisait rage depuis que la mixité dans les écoles avait fait l’objet du vœu, dès 1905, du Congrès de l’Amicale des Instituteurs. Le terme de coéducation qui remplaçait à l’époque celui de mixité, avait cependant une connotation sulfureuse auprès de la Droite bien-pensante, surtout depuis sa condamnation officielle par le pape Pie IX dans l’Encyclique Divinus illius Magistri en 1929. Le pontife croyait y démontrer sa grande compétence pédagogique et sa clairvoyance sur l'évolution de l’éducation, tout en revendiquant la primauté de la religion chrétienne dans ce domaine :

"Est donc faux tout naturalisme pédagogique qui, de quelque façon que ce soit, exclut ou tend à amoindrir l'action surnaturelle du christianisme dans la formation de la jeunesse; erronée toute méthode d'éducation qui se base, en tout ou en partie, sur la négation ou l'oubli du péché originel ou du rôle de la grâce, pour ne s'appuyer que sur les seules forces de la nature. Tels sont, ordinairement, ces systèmes modernes, aux noms divers, qui en appellent à une prétendue autonomie et à la liberté sans limites de l'enfant, qui réduisent ou même suppriment l'autorité et l'œuvre de l'éducateur, en attribuant à l'enfant un droit premier et exclusif d'initiative, une activité indépendante de toute loi supérieure, naturelle ou divine, dans le travail de sa propre formation."

Pas d'enfant à placer au centre du système, donc. L'élève doit demeurer un réceptacle que son éducateur emplira de matière religieuse.

Quant à l'éducation sexuelle ...

 "Il est un autre genre de naturalisme souverainement périlleux qui de nos temps envahit le champ de l'éducation en cette matière extrêmement délicate qu'est la pureté des mœurs. Très répandue est l'erreur de ceux qui, […], se font les promoteurs de ce qu'ils appellent " l'éducation sexuelle ". Ils se figurent faussement pouvoir prémunir la jeunesse contre les périls des sens uniquement par des moyens naturels, tels que cette initiation téméraire et cette instruction préventive donnée à tous indistinctement, et même publiquement, ou, ce qui est pire encore, cette manière d'exposer les jeunes gens, pour un temps, aux occasions, afin, dit-on, de les familiariser avec elles et de les endurcir contre leurs dangers.

La grande erreur, ici, est de ne pas vouloir admettre la fragilité native de la nature humaine, […]"

Mais pas non plus d'éducation sans séparation des sexes. La nature humaine étant faible, leur mise en commun est trop dangereuse ! Le Créateur n'a prévu de sexes différents que pour qu'ils se complètent dans le mariage.

"C'est une erreur du même genre et non moins pernicieuse à l'éducation chrétienne que cette méthode dite de " coéducation des sexes ", méthode fondée, elle aussi, aux yeux d'un grand nombre, sur un naturalisme négateur du péché originel. En outre, pour tous ses tenants, elle provient d'une confusion d'idées déplorable, qui remplace la légitime communauté de vie entre les hommes par la promiscuité et le nivellement égalitaire.

Le Créateur a ordonné, et disposé la parfaite communauté de vie entre les deux sexes seulement dans l'unité du mariage; ensuite, elle les sépare graduellement dans la famille et dans la société. Il n'y a d'ailleurs dans la nature elle-même, qui a fait les sexes différents par leur organisme, par leurs inclinations, par leurs aptitudes, aucune raison qui montre que la promiscuité, et encore moins une égalité de formation, puissent ou doivent exister. Les sexes, suivant les admirables desseins du Créateur, sont appelés à se compléter réciproquement dans la famille et dans la société, et justement par leur diversité même. Cette diversité est donc à maintenir et à favoriser dans la formation et dans l'éducation, en sauvegardant la distinction nécessaire, avec une séparation correspondante, en rapport avec les âges différents et les différentes circonstances.

Ces principes sont à appliquer en temps et lieu, suivant les règles de la prudence chrétienne, à toutes les écoles, mais principalement durant l'adolescence, la période la plus délicate et la plus décisive de la formation. Dans les exercices de gymnastique ou de délassement, que l'on ait particulièrement égard aux exigences de la modestie chez les jeunes filles pour qui il est d'une souveraine inconvenance de se montrer et de s'exhiber aux yeux de tout le monde. ».

La loi est quand même votée

Seuls les députés communistes soutiendront l’idée de mixité à la Chambre des députés en février 1933.

Finalement la loi votée le fut par nécessité budgétaire (une école mixte au lieu de 2 écoles spéciales, c’était moins cher) et le ministre promit que, par mesure de décence, les petites filles seraient d’un côté de la classe, les garçons de l’autre et que tous les efforts seraient faits pour nommer dans les écoles « géminées » des ménages d’instituteurs.

L'instititutrice est morte trop tôt

Mais en 1931, à Périgny, patratras ! Madame Chabaud décèda et la loi ou les règlements interdisaient à sa remplaçante, Mademoiselle Froment, de continuer la coéducation des élèves pérignaciens avec Monsieur Chabaud. Ce serait bien indécent !

Les parents d’élèves s’alarmèrent pourtant. Ils vinrent voir le maire Édouard Damour et lui exprimèrent leurs regrets et leurs craintes de l’abandon d’une méthode qui les satisfaisait entièrement.

Le maire, devant cette levée de boucliers, alla donc frapper à la porte de l’Inspection académique, muni d’un vœu de son Conseil Muncipal :

« Considérant que  depuis de nombreuses années la coéducation est pratiquée dans les écoles de la commune et qu’aucune réclamation ou plainte ne s’est jamais produite,

Considérant que la suppression de la coéducation causerait aux élèves de la commune un préjudice réel du fait que le nombre de groupes de chaque école augmentant, les maîtres, malgré leur dévouement, seraient dans l’impossibilté de se consacrer à ces groupes aussi efficacement qu’ils le font jusqu’à ce jour,

Considérant que les résultats obtenus par Monsieur et Madame Chabaud donnaient entière satisfaction à l’unanimité des parents,

Considérant que l’Instituteur et l’Institutrice ont déclaré à Monsieur le Maire qu’ils seraient heureux de continuer la coéducation scolaire,

 Le conseil muncipal à l’unanimité, émet le vœu que la poursuite de cette coéducation soit autorisée provisoirement jusqu’au jour où un ménage reviendra à la tête de l’école ».

 Mais ce n’est qu’en 1965, 34 ans plus tard, que les écoles de Périgny seront mixtes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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