- Accueil
- Pages cachées
- Le Plomb romain
Le Plomb romain
« Le plomb, L’archéologie et l’histoire des 2500 ans d’un port de mer et la question de l’aqueduc du trépied du plomb », Collectif sous la direction de Bruno J. Texier, édité par l’association Archéaunis, 2009 :
"...Notre connaissance actuelle des sites gallo-romains autour du Port du plomb reflète une nature rurale, résidentielle, artisanale et religieuse des établissements étudiés, depuis leur création au début (ou au milieu) du 1er siècle de notre ère, jusqu‘à leur abandon à la fin du 4ème siècle, une interprétation valable pour de nombreux autres sites du littoral rochelais. Les sites représentent essentiellement un habitat dispersé de villae rurales, ou établissements agricoles et résidentiels, vraisemblablement fondés par des vétérans de l’armée romaine ou simplement par des citadins de Saintes ou d’ailleurs, colonisant les campagnes et propageant les avantages et les bienfaits de la « pax romana », ou « paix romaine ». La répartition géographique de ces établissements pourrait correspondre à une première cadastration romaine de la province. Les centres urbains, vici, sanctuaires, nécropoles et temples gallo-romains sont à l’heure actuelle inconnus en pays rochelais, à l’exception des villas rurales et de quelques tombes ou effigies isolées, comme les tombes découvertes justement au Petit Monsidun (INRAP, 2008 ; Cornec, 2009) et la divinité païenne du Mercure Gaulois de Nieul-sur-Mer (voir plus bas).
Les activités économiques, commerciales et artisanales de l’époque gallo-romaine autour du havre naturel du Port du Plomb sont révélées par la présence systématique de nombreuses citernes à cupule construite en batteries. Ces citernes sont à présent identifiées avec la viticulture et la production et le commerce du vin (figure 11= citerne viticole gallo-romaine de l’Houmeau, fouilles du Haut-Pampin), une industrie florissante très répandue dans la région, depuis l’introduction des premiers cépages méditerranéens par les légions romaines. Ce type de citernes est encore utilisé de nos jours dans les chais charentais sous le nom d’anchères (Gunégan, 1993). La richesse de ce négoce gallo-romain est illustré par l’abondance des amphorettes et cruches retrouvées au Port du Plomb et sur d’autres sites côtiers, des céramiques cependant produites en région saintaise ou importées d’autres parties de la Gaule (Durand, 2008). D’autres trouvailles, comme des serpes (Laporte et Texier, 1979 ; Flouret, 1984), une meule cylindrique en calcaire (Durand, 2008), des pépins de raisin au site des Quatrefages à Laleu (Durand, 1981), d’autres citernes au Petit Monsidun (Cornec, 2009), au Haut-Pampin (Laporte et Texier, 1979) et aux Groies (Durand, 1976, 2008), et enfin une aire de foulage aux Minimes à La Rochelle (Floret, 1984 ; Thébault, 1998), confirment la production du vin dans les environs du Plomb entre le 1er et le 4ème siècle après J.C.
La vie quotidienne semble prospère durant les deux premiers siècles de notre ère avec de nombreux exemples monétaires, d’importations de céramiques sigillées du centre de la Gaule, de verrerie, et de multiples activités artisanales représentées par les citernes viticoles, des fours (Durand, 2008), de nombreux bâtiments constamment entretenus, modifiés ou reconstruits (Laporte et Texier, 1979 ; Flouret, 10984). Un luxe certain est révélé aux 1er et 2ème siècles après J.C. par la fréquence d’hypocaustes à pilettes ou anciens systèmes de chauffage par le sol, de balnéaires ou bains chauds, d’éléments architecturaux imposants, en particulier des colonnes au Haut-Pampin et aux Minimes (Laporte et Texier, 1980 ; Flouret, 1984), des dalles de marbre à Saint-Éloi et à Esnandes (Flouret, 1978), des fresques aux Minimes (Flouret, 1984), des mosaïques à Saint-Maurice (Durand 1981), et des éléments de parure comme des fibules et des bijoux, telle la bague en or du puits des Groies, à Nieul-sur-Mer (Durand, 1981 ; 2008).
Les relations soutenues avec la capitale de Mediolanum Santonum sont indéniables au Port du Plomb durant l’époque gallo-romaine. Nous avons vu plus haut l’importance qu’occupa la voie antique reliant le Plomb au camp militaire augusto-tibérien d’Aunedunacum (Aulnay-de-Saintonge) dans le commerce des denrées, particulièrement le sel et les fruits de mer (Lavergne et Texier, 1986 ; Tassaux t Tassaux, 1984).
Les influences des grands courants de pensée et de l’iconographie religieuse se retrouvent encore au Plomb par la présence d’un « Dieu-Tête » découvert sur le site des Groies par G. Durand en 1981 (Durand, 2008). Ce dieu, fort méconnu dans le panthéon antique, est quelquefois surnommé « le Mercure gaulois » (Maurin, 1978). Cette découverte exceptionnelle au Port du Plomb s’accompagne du fragment d’un second dieu, où seul le fragment d’une oreille pointue appartenant à une seconde sculpture similaire fut retrouvé. La présence d’au moins deux effigies au Plomb est indicatrice d’un petit temple, ou tout au moins d’un ou plusieurs autels votifs privés dédiés à la divinité. Les trois langues gonflées sortant de la bouche pourraient symboliser, selon certains, le départ d’une source, et faire ainsi référence à la figuration du dieu tutélaire des eaux souterraines (Durand, 2008). La source de Grimeau n’est distante que d’à peine 1000 mètres du lieu de la découverte. Quelques tessons de poteries gallo-romaines ont été identifiés en 1993 à quelques mètres de la source, indiquant indéniablement sa fréquentation dès le 1er ou le 2ème siècle après J.C. (Lavergne, 1993).
Durant cette période de prospérité, le commerce maritime s’accroît au même rythme que le trafic terrestre. Le cabotage dans le Pertuis Breton, la Baie de l’Aiguillon, les estuaires et cours d’eau navigables, bien que fort peu documenté, est reconnu dans l’île de Ré, en face du port du Plomb. Le commerce est illustré par un dépôt monétaire de sesterces romains trouvé sur la plage à La Flotte-en-Ré (Arqué et Rémazeilles, 2009). Cette découverte de 151 monnaies confirme, selon G. Arqué, la fréquentation maritime de navires marchands le long de nos côtes et donc, aux abords du Port du Plomb. Le trésor de Garonne, non loin des rivages charentais, est constitué de 4000 pièces romaines et s’inscrit en tant que naufrage maritime survenu, comme celui de la Flotte-en-Ré, dans la 2ème moitié du 2ème siècle après J.C. (Rachet et Robert, 1984).
Cette période de sérénité et de prospérité ne durera malheureusement pas. Au début du 3ème siècle après J.C., des troubles semblent avoir créé un disfonctionnement des activités gallo-romaines et des sociétés rurales implantées en Aunis. En effet, de nombreux sites des environs paraissent avoir été mis à sac, brûlés puis abandonnés. L’analyse numismatique des monnaies de sites démontre souvent une absence de numéraire entre les règnes des empereurs romains Commode et Gallien, de la dernière décennie du 2ème siècle et jusqu’aux environs de 250 après J.C., comme le cas du site des Minimes à La Rochelle (Flouret et al., 1984). La nature de ces troubles n’est malheureusement pas connue avec précision. On peut penser déjà aux premières incursions barbares. Les grandes périodes d’invasion des 3ème et 4ème siècles affaiblirent sévèrement l’autorité administrative romaine et conduisirent à la construction hâtive de remparts, comme celui de Saintes au milieu ou dernier quart du 3ème siècle après J.C. Cette période est souvent illustrée de trésors monétaires, indicateurs d’une insécurité caractérisée par la thésaurisation des valeurs pondérales telles que l’or, l’argent et le bronze. Quelques trésors monétaires de cette époque existent à La Rochelle (Amandry et Nony, 1980 ; Arqué et Texier, 1984) et à La Flotte-en-Ré (Flouret et Métayer, 1978).
Le Port du Plomb s’illustre fort singulièrement en ces périodes de troubles du début du 3ème siècle, par la découverte unique d’un trésor de bijoux monétaires en or et en argent découverts à nouveau par l’infatigable Georges Durand, lors des fouilles de sauvetage de la rue Jean Bart dirigées par L. Laporte et B. Texier en 1979 à l’Houmeau sur le site du Haut Pampin/Beauséjour. De par leur nature exceptionnelle, les médaillons et autres éléments d’un collier en or constituant le trésor de l’Houmeau furent publiées à maintes reprises, non seulement dans des revues locales (Flouret, 1979 ; Laporte et Texier, 1980) ou par des organismes pédagogiques (CDDP, 1981), mais également à l’échelle nationale (Flouret, Nicolini et Metzger, 1981 ; Demortier, 1983).
Le trésor du site du Haut Pampin/Beauséjour consiste de plusieurs éléments d’un collier. Ces éléments sont en or, et se composent de deux médaillons monétaires, d’un coulant –ou tube séparant les médaillons, de deux anneaux heptagonaux, et d’une amulette filiforme connue sous le nom de Nœud d’Héraclès. Ce genre de bijou est bien connu dans le monde romain. De nombreux exemples similaires sont répertoriés en Italie, en Allemagne, en Angleterre, et en France à Rennes, Sault-du-Rhône et Autun (Flouret, 1979). L’usage d’une monnaie d’or montée en collier est fréquent au Bas-Empire, mais à l’Houmeau, ce sont des deniers d’argent qui furent employés, recouverts d’une feuille d’or. Les monnaies du collier datent de 210 après J.C. Le trésor s’accompagne d’un sesterce de Gordien (238-239 après J.C.) trouvé à proximité. Ces trouvailles s’inscrivent donc dans la période des troubles du début du 3ème siècle. Le collier, ou du moins une partie d’un collier fut enfoui à la hâte (peut-être à l’époque de Gordien) sous une pierre, à 20 cm de profondeur, où ils furent retrouvés en 1979.
Les événements furent vraisemblablement impitoyables en bord de mer. La plupart des villae construites au Port du Plomb, ainsi que d’autres semblables dans les environs, furent détruites. Les fouilles du site des Groies ont également montré l’évidence du massacre d’au moins sept personnes, dont les restes furent découverts à environ 10 mètres de profondeur dans le puits gallo-romain (Durand, 1981). Les bâtiments autour du puits furent détruits, l’autel votif au Dieu-Tête fut également ravagé, et les idoles jetées au fond du puits par dessus les cadavres. Une monnaie imitée de l’empereur gaulois Tetricus des années 270 après J.C. indique la date du comblement final du puits, dénonçant formellement la réoccupation du site plusieurs décennies après les événements (Durand, 1981).
C’est en général aux alentours de 250 après J.C. que les campagnes commencent à se repeupler, après un exode probable, ou tout au moins une période de latence de près de vingt ans. Les ruines des villae sont réoccupées et reconstruites à l’époque de Gallien, puis sous le règne de l’empereur gaulois Tetricus si l’on se fie aux découvertes numismatiques. L’artisanat, l’agriculture et le commerce reprennent. Les monnaies de site abondent à nouveau, confirmant une réoccupation des lieux dans la seconde moitié du 3ème siècle et jusqu’au milieu du 4ème.
Bien que souvent répertorié et cité comme gallo-romain, l’aqueduc du Trépied du Plomb serait plutôt médiéval…"
Ajouter un commentaire