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Torture en Algérie

« La torture, quelle torture ? »

 

la torture a été pratiquée durant la période de la guerre d’Algérie sur les populations algérienne et française par les forces coloniales (l'armée française, ses supplétifs harkis, l'OAS, les barbouzes, les forces de police et des colons eux-mêmes) dans des proportions qui, selon des historiens comme Pierre Vidal-Naquet, concerneraient des centaines de milliers d'Algériens.

Elle a aussi été employée sur des harkis, des arabes et des pieds noirs par le FLN et l'ALN, mais pas avec le même systématisme ni dans les mêmes proportions.

La torture policière existait déjà largement en Afrique du Nord avant l’insurrection de 1954, comme en témoigne la mise en garde lancée, dès cette date, par l'écrivain François Mauriac.

Elle avait été systématiquement utilisée lors de la colonisation du pays, notamment lors de la campagne du général Bugeaud, mais elle fut consacrée et institutionnalisée comme arme de guerre par l'armée, qui a reçu tous les pouvoirs, lors de la « bataille d'Alger », qui fut, en 1957, un « point de non-retour » à cet égard. Toutefois, le passage à une guerre totale et à la systématisation de la torture précède l'année 1957, correspondant, selon la thèse de Raphaëlle Branche, à l’arrivée à la tête de l’état-major d’Alger du général Raoul Salan en décembre 1956.

Une loi d'amnistie a été votée le 31 juillet 1968 en confirmation des deux décrets du 22 mars 1962, qui couvre l'ensemble des infractions commises en Algérie. Cette loi prévoit dans son article 1 que « Sont amnistiées de plein droit toutes infractions commises en relation avec les événements d'Algérie. Sont réputées commises en relation avec la guerre d'Algérie toutes infractions commises par des militaires servant en Algérie. ».

Cette loi empêche les victimes de poursuivre au pénal, mais théoriquement pas au civil, bien que cette interprétation de la loi ait été remise en cause par divers juristes, dont William Bourdon. Celui-ci estime que cette loi « s'oppose aux principes du droit international selon lesquels l'amnistie ne peut être accordée aux auteurs de violations des droits de l'homme les plus graves tant que les victimes n'ont pas obtenu justice par une voie de recours efficace».

La torture, c’est-à-dire ?

En 1961, un article paru dans le journal Vérité-Liberté expliquait :

« À la ferme Ameziane, centre de renseignement et d'action (C.R.A.) de Constantine, elle se pratique à l'échelle quasi industrielle.(...)

C'est à la ferme Ameziane que sont conduits tous les suspects pris par les unités de l'Est algérien. L'arrestation des « suspects » se fait par rafles, sur renseignements, dénonciation, pour de simples contrôles d'identité.

Un séjour s'effectue dans les conditions suivantes : à leur arrivée à la « ferme », ils sont séparés en deux groupes distincts : ceux qui doivent être interrogés immédiatement et ceux qui « attendront », à tous on fait visiter les lieux et notamment les salles de tortures « en activité » : électricité (gégène), supplice de l'eau, cellules, pendaisons, etc.

Ceux qui doivent attendre sont ensuite parqués et entassés dans les anciennes écuries aménagées ou il ne leur sera donné aucune nourriture pendant deux à huit jours, et quelquefois plus encore.


Les interrogatoires, conduits conformément aux prescriptions du guide provisoire de l'officier de renseignement (O.R.), chapitre IV, sont menés systématiquement de la manière suivante : dans un premier temps, l'O.R. pose ses questions sous la forme « traditionnelle » en les accompagnant de coups de poing et de pied : l'agent provocateur, ou l'indicateur, est souvent utilisé au préalable pour des accusations précises et... préfabriquées. Ce genre d'interrogatoire peut être renouvelé.

On passe ensuite à la torture proprement dite, à savoir : la pendaison (...), le supplice de l'eau (...), l'électricité (électrodes fixées aux oreilles et aux doigts), brûlures (cigarettes, etc.) (...) les cas de folies sont fréquents (...) les traces, cicatrices, suites et conséquences sont durables, certaines même permanentes (troubles nerveux par exemple) et donc aisément décelables.

Plusieurs suspects sont morts chez eux le lendemain de leur retour de la "ferme".
Les interrogatoires-supplices sont souvent repris à plusieurs jours d'intervalle.

Entre-temps, les suspects sont emprisonnés sans nourriture dans des cellules dont certaines ne permettent pas de s'allonger.

Précisons qu'il y a parmi eux de très jeunes adolescents et des vieillards de 75, 80 ans et plus.

À l'issue des interrogatoires et de l'emprisonnement à la ferme, le « suspect » peut être libéré (c'est souvent le cas des femmes et de ceux qui peuvent payer (...) ou interné dans un centre dit « d'hébergement » (à Hamma-Plaisance, notamment) ; ou encore considéré comme « disparu » (lorsqu'il est mort des suites de l'interrogatoire ou abattu en "corvée de bois" aux environs de la ville. (...)


Les « interrogatoires » sont conduits et exécutés par des officiers, sous-officiers ou membre des services du C.R.A." (...)

Les chiffres - car il y en a - sont éloquents : la capacité du "centre" entré en activité en 1957, est de 500 à 600 personnes, et il paraît fonctionner à plein rendement en permanence. Depuis sa constitution il a "contrôlé" (moins de huit jours de prison) 108 175 personnes ; fiché 11 518 Algériens comme militants nationalistes sur le secteur ; gardé pour des séjours de plus de huit jours 7 363 personnes ; interné au Hamma 789 suspects." »

Le système de la torture était-il connu en 1962 ?

Le 13 janvier 1955, Claude Bourdet publia « Votre Gestapo d'Algérie » (France Observateur) tandis que François Mauriac publiait “La question” le 15 janvier 1955 (L’Express). Le 5 avril 1956, Henri-Irénée Marrou dénonçait à son tour l'usage de la torture dans « France, ma patrie » (Le Monde).

Pierre-Henri Simon publia « Contre la torture » au début de 1957. Hubert Beuve-Méry publia en mars 1957 un éditorial contre la torture dans Le Monde (« Sommes-nous les « vaincus de Hitler ?. » ..)

En 1956, l'historien Pierre Vidal-Naquet fit publier dans la revue Esprit un témoignage sur des exactions de l'armée française. À partir de 1957, il effectua un travail d'historien sur la disparition de Maurice Audin, le jeune mathématicien français, arrêté en Algérie et disparu : il défendit la thèse de sa mort sous la torture contre celle, officielle, de sa disparition par évasion. Il en fit un livre, « L'Affaire Audin»,  paru en 1958 et réédité, largement complété, des années plus tard. Il participa ainsi au « Comité Audin ».

Il publia plus tard, en 1962, « La Raison d'état », livre dénonçant l'emploi de la torture.

Le 27 mars 1957 L’Express publia une lettre du général Jacques Pâris de Bollardière.

En février 1958 les Éditions de Minuit publièrent « La Question » d’Henri Alleg.

Le Manifeste des 121, titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », fut signé par des intellectuels, universitaires et artistes et publié le 6 septembre 1960.

Jean-Jacques Servan-Schreiber, Gisèle Halimi, Beauvoir et Sartre se sont investis dans la dénonciation.

La torture pendant la guerre d'Algérie fut notamment connue grâce aux témoignages de Robert Bonnaud et du directeur d'Alger Républicain, Henri Alleg, qui subit la torture. Alleg publia son témoignage sous le titre « La Question » (Minuit, 1958).

« La Gangrène » de Bachir Boumaza, parut la même année, chez le même éditeur et dénonçait la torture dans Paris même : les témoins étaient des étudiants algériens : ils dénoncaient l'usage de la torture dans les locaux de la DST, parfois en présence de Roger Wybot. L'ouvrage fut immédiatement saisi.

Toutes les méthodes de torture (gégène, eau, paillasse barbelée, sérum de vérité, arrachage d'ongles, brutalité, privation de sommeil, poivre dans le vagin etc.) y étaient détaillées. Cet ouvrage fut censuré par le gouvernement, car mettant en cause l'armée et ses méthodes, la faisant apparaître comme la nouvelle Gestapo d'Algérie.

Les tortures furent également évoquées au procès de Djamila Boupacha, militante de l'ALN, défendue par l'avocate Gisèle Halimi. Le ministère intervint pour que les militaires français soient mis hors de cause.

En 1960, l'abbé de Cossé-Brissac, curé de l'église Saint-Michel de Dijon, se fit connaître pour sa dénonciation de l'usage de la torture par l'armée française qu'il qualifia de « péché collectif ».

En avril 1961, le livre « Les égorgeurs » de l'appelé du contingent Benoist Rey, publié une première fois aux Éditions de Minuit, décrivait sans ambages « le quotidien de meurtres, de viols, de pillages, d'incendies, de destructions, de tortures, de sadisme, d'imbécillité... d'une armée composée d'engagés et d'appelés » et fut saisi dès sa sortie. Comme d'autres témoignages, ce livre fut alors été censuré. Benoist Rey y dénonçait que « la torture est en Algérie un moyen de répression usuel, systématique, officiel et massif. ».

Un film, mis en scène par Laurent Heynemann en 1977, reprit l'intégralité du livre d'Henri Alleg et revint sur l'affaire Audin.

Plusieurs « affaires » étaient aussi bien connues avant la fin de la guerre :

Affaire Larbi Ben M’Hidi (Connue en Février-Mars 1957)

Cadet d'une famille de trois filles et deux garçons, Larbi Ben M’Hidi naquit dans la village El Kouahi à Aïn M'lila (dans la wilaya d'Oum El Bouaghi), dans les Aurès, dans une famille rurale aisée. Il débuta ses études à l'école primaire française de son village natal. À l’issue de la première année scolaire, il se rendit à Batna pour poursuivre ses études primaires où il obtint son certificat d’études, puis entreprit des études secondaires à Biskra.

Ben M'hidi travailla ensuite comme comptable au service du Génie civil de Biskra, puis s'installa à Constantine où il fut proche de l'Association des Oulémas et en particulier de Mebarek el Mili. Il devint également un militant très actif du Parti du peuple algérien (PPT), clandestin après 1945. Ben M'hidi adhéra au mouvement des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) fondé par Ferhat Abbas et participa au congrès de mars 1945.

Il fut arrêté après les massacres du 8 mai 1945. Il adhèra au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et devint cadre de l'Organisation Spéciale (OS). En 1950, il fut recherché et condamné par défaut à dix ans de prison à cause de son implication dans l'OS pour « menées subversives et activité illégale».

En avril 1954, Ben M'hidi fut l'un des neuf fondateurs du Comité révolutionnaire d'unité et d'action1 qui le 10 octobre 1954 transformèrent le CRUA en FLN et décidèrent de la date du 1er novembre 1954 comme date du déclenchement de la lutte armée pour l'indépendance algérienne. On lui confia la Wilaya 5 (l'Oranie) dont il fut le premier responsable, et qu’il organisa efficacement malgré les difficultés.

En 1956, laissant le commandement de la Wilaya 5 à son lieutenant Abdelhafid Boussouf, il devint membre du Conseil national de la révolution algérienne ; il était proche des idées de Abane Ramdane et Krim Belkacem. Le premier fut assassiné au Maroc à la fin de décembre 1957, le second à Francfort le 18 octobre 1970. Il participa à l'organisation des premiers attentats de la bataille d'Alger. Arrêté le 23 février 1957 par les parachutistes, il refusa de parler sous la torture avant d'être pendu sans procès, ni jugement, ni condamnation, par le général Aussaresses dans la nuit du 3 au 4 mars 1957.

Le 13 mars 1957, la sortie du livre de Pierre-Henri Simon, membre du cercle des intellectuels catholiques, « Contre la torture », aux éditions du Seuil fit sauter les réticences de ceux qui craignaient de dénoncer la guerre. Néanmoins, certains, comme le Nouvel Observateur réussirent à mettre en doute l’éxécution : « Bien qu’ayant eu les pieds et les poings liés, il serait parvenu à se pendre à un barreau de la fenêtre ».

En 2001, dans son livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957, paru aux éditions Perrin, le général Aussaresses reconnut avoir procédé à l'exécution sommaire, par pendaison maquillée en suicide, de Larbi Ben M'Hidi, dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, les faits étant commis avec l'assentiment tacite, selon lui, de sa hiérarchie militaire et d'un juge qui aurait lu le rapport sur le prétendu suicide avant que celui-ci ait eu lieu.

Le 5 mars 2007, dans un entretien au Monde, Aussaresses retrace les dernières heures de Larbi Ben M'hidi : Larbi Ben M'Hidi fut conduit dans la ferme désaffectée de la Mitidja d'un colon extrémiste. Six hommes dont Aussaresses préparèrent l'exécution en passant une corde à travers un conduit de chauffage. L'un des hommes joua le rôle du supplicié pour vérifier que tout était au point. Il était monté sur un tabouret, passa sa tête dans le nœud et regarda les autres provoquant un fou rire général. Un parachutiste voulut bander les yeux de Ben M'hidi. Celui-ci refusa. Le soldat répondit qu'il exécutait un ordre. Ben M'hidi répliqua qu'il était colonel de l'ALN et qu'il savait ce que sont les ordres. Sa demande fut refusée ; il fut pendu les yeux bandés et se tut jusqu'à la fin. Pour le pendre, les bourreaux s'y prirent à deux fois. La première fois, la corde cassa.

Affaire Alleg/Audin (Connue dès Juillet à décembre 1957)

Henri Alleg s'installa en Algérie en provenance de Paris en 1939, et milita au sein du Parti communiste algérien. En 1946, il épousa Gilberte Serfaty qui deviendra comme lui une ardente militante communiste. En 1951, il devint directeur du quotidien Alger républicain. Il entra dans la clandestinité en 1955, date d'interdiction du journal en Algérie. Il continua cependant à transmettre des articles en France dont certains furent publiés par L'Humanité.

Il fut arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes de la 10e D.P, au domicile de Maurice Audin, son ami, arrêté la veille et qui fut torturé à mort. Dans La Question, il raconte sa période de détention et les sévices qu'il y subit. Tout d'abord publié en France aux Éditions de Minuit, l'ouvrage fut immédiatement interdit. Nils Andersson le réédita en Suisse, quatorze jours après l'interdiction en France de mars 1958. Malgré son interdiction en France, ce livre contribua considérablement à révéler le phénomène de la torture en Algérie. Sa diffusion clandestine s'élèva à 150 000 exemplaires.

Trois ans après son arrestation, il fut inculpé d'« atteinte à la sûreté extérieure de l'État » et de « reconstitution de ligue dissoute » et condamné à 10 ans de prison. Transféré en France, il fut incarcéré à la prison de Rennes. Profitant d'un séjour dans un hôpital, il s'évada. Aidé par des militants communistes, il rejoignit la Tchécoslovaquie grâce notamment à Alfred Locussol.

Maurice Audin était né le 14 février 1932 à Béja (Tunisie) et il décéda à une date inconnue après son arrestation le 11 juin 1957. Il était un assistant de mathématiques français à l’université d’Alger, membre du Parti communiste algérien (PCA) et militant de la cause anticolonialiste. Pour ses proches ainsi que pour des journalistes et historiens, il fut torturé et tué par les services français, car il était militant de la cause de l'indépendance algérienne. Cette thèse est contestée par l'armée française. Membre de la cellule Langevin des Étudiants communistes, Maurice Audin fréquentait aussi l'association des étudiants musulmans, l'AEMAN (devenue en 1955 l'UGEMA). Le PCA fut interdit le 13 septembre 1955. Père de trois enfants, il organisa, avec sa sœur et son beau-frère, l'exfiltration clandestine à l'étranger de Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA, en septembre 1956.

Lors de la « bataille d'Alger », Maurice Audin fut arrêté à son domicile, le 11 juin 1957, par le capitaine Devis, le lieutenant Philippe Erulin et plusieurs militaires du 1er régiment étranger de parachutistes, pour être transféré vers une destination où il fut assigné à résidence. Une souricière étant installée dans l'appartement de la famille Audin, Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger républicain  y fut arrêté le lendemain. À l'exception des militaires, il fut le dernier à l'avoir vu vivant. La trace de Maurice Audin fut dès lors perdue pour son épouse Josette et leurs trois enfants. Il fut ensuite transféré au camp de Lodi (Draa Essamar Wilaya de Médéa) où il resta un mois, puis à Barberousse, la prison civile d'Alger. 

Selon l'armée française, Maurice Audin se serait évadé en sautant de la jeep qui le transférait de son lieu de détention. Mais selon les membres de sa famille politique et une enquête de l'historien Pierre Vidal-Naquet qui écrit, en mai 1958, dans la première édition de L'affaire Audin, l'évasion était impossible, Maurice Audin est mort au cours d'une séance de torture, assassiné le 21 juin 1957 par le lieutenant Charbonnier, officier de renseignement servant sous les ordres du général Massu. Le général Aussaresses a contredit cette version dans un entretien au journal Le Monde, affirmant que Charbonnier n'était pas dans le secteur au moment du meurtre.

Dès juillet 1957, certains journaux commencèrent à évoquer « l'affaire Audin ». Le 2 décembre 1957, la soutenance in absentia de la thèse de doctorat d'État de mathématiques de Maurice Audin, « sur les équations linéaires dans un espace vectoriel », provoqua l'indignation de certains universitaires contre la situation en Algérie. Le jury était composé de Jean Favard, président, Laurent Schwartz, rapporteur et Jacques Dixmier, troisième membre du jury. C'est René de Possel qui exposa au tableau les résultats d’Audin. Des « comités Audin » furent créés pour faire la lumière sur l'affaire et sensibiliser l'opinion sur la pratique de la torture en Algérie. Une enquête judiciaire fut menée suite à la plainte contre X pour homicide déposée par sa femme le 4 juillet 1957.

Par ailleurs, celle-ci milita contre les disparitions avec d'autres familles de victimes, dont Djamila Briki.

À la demande des avocats de madame Audin, l'instruction fut transférée à Rennes en avril 1959 et se prolongea jusqu'en 1962. Un non-lieu fut prononcé, en avril de la même année, pour insuffisance de charges. De plus, le décret du 22 mars 1962 amnistia « les faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne ». Les avocats firent appel puis saisirent la Cour de cassation.

En 1966, la Cour de cassation dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi, les faits allégués par la partie civile étant amnistiés par une loi du 17 juin de cette année. Le corps de Maurice Audin n'ayant pas été retrouvé, un acte de décès fut établi par le tribunal d’Alger, le 1er juin 1963, le jugement devenant exécutoire en France le 27 mai 1966. Un nouveau non-lieu fut prononcé en juillet 2002 suite à une nouvelle plainte de son épouse pour séquestration et crime contre l'humanité déposée le 16 mai 2001, après que le général Aussaresses eût avoué avoir ordonné au lieutenant Charbonnier d'interroger Maurice Audin.

En juin 2007, sa veuve, Josette Audin, écrivit au président de la République récemment élu pour lui demander que soit éclairci le mystère de la disparition de son mari et pour que la France assume sa responsabilité dans cette affaire. Le 1er janvier 2009, sa fille, Michèle Audin, refusa le grade de chevalier de la Légion d'honneur au motif que le président n'avait pas donné suite à la demande de sa mère ni même répondu.

 Aveux du général Massu

Le général Massu, qui reconnaîtra plus tard l'utilisation de la torture dans certains cas particuliers lors de la guerre d'Algérie, affirma en 1971, « en fait de tortures, Alleg a reçu une paire de gifles ». Roger Faulques, officier du 1er REP, accusé de ces tortures, déclara lors d'un procès en diffamation contre Jean-Jacques Servan-Schreiber et Jean François Kahn en 1970 « Je ne l'ai vu qu'une seule fois, mais il m'a fourni à cette occasion des indications qui m'ont permis d'arrêter les membres du parti communiste algérien ».

La torture en Algérie fut évoquée, entre autres, par l'ancien chef militaire d'Alger, le général Jacques Massu dans son ouvrage La vraie bataille d'Alger publié en 1972. En 2000, lors d'un entretien donné au quotidien Le Monde du 21 juin 2000, il déclara que « le principe de la torture était accepté ; cette action, assurément répréhensible, était couverte, voire ordonnée, par les autorités civiles, qui étaient parfaitement au courant».

Il ajoutait : « J'ai dit et reconnu que la torture avait été généralisée en Algérie (...) On aurait dû faire autrement, c'est surtout à cela que je pense. Mais quoi, comment ? Je ne sais pas. Il aurait fallu chercher ; tenter de trouver. On n'a malheureusement pas réussi, ni Salan, ni Allard, ni moi, ni personne. ».

Cette déclaration fit écho à l'accusation de Louisette Ighilahriz, dite " Lila ", militante algérienne torturée en 1957 à Alger, devenue psychologue. En 2000, elle accusa le général Massu, et le général (colonel à l'époque) Bigeard, d'avoir laissé le champ libre à la torture en Algérie. Massu le reconnut, mais Bigeard nia l'accusation. Selon Louisette Ighilahriz, "Massu ne pouvait plus nier l'évidence".

Selon les interviews d'un officier français, Paul Aussaresses, qui ne regrette rien, le général Massu était au courant chaque jour, de la liste des prisonniers passés à la question, ainsi que des « accidents » de parcours. Poursuivi par la Ligue des Droits de l'Homme pour "apologie de crimes de guerre", Aussaresses a été condamné à 7 500 euros d'amende par la 17ème chambre correctionnelle du TGI de Paris. Le général justifiait à plusieurs reprises l'emploi de la torture qui permettrait de sauver des vies innocentes en poussant les terroristes présumés à révéler les détails de leurs projets et leurs complices. Le Président de la République a demandé que soit retiré à l'officier sa légion d'honneur en condamnant ses propos comme inadmissibles.

En revanche, le général Aussaresses avait fait l'objet de plaintes pour les crimes de tortures qu'il avait reconnus dans son livre. Une autre procédure avait été ouverte mais la Cour de cassation a rejeté, les poursuites intentées contre le général pour les crimes de tortures eux-mêmes, amnistiés depuis.


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