Argent public
Le Conseil Général de la Charente-Maritime, en échange du maintien de l'effectif de fin 1994, a décidé d'acquérir auprès de Peugeot des terrains partiellement construits (23 hectares 41 ares, 87 centiares) cadastrés "fief des quatre chevaliers" sur la Zone Industrielle de Périgny et de procéder aux travaux de réhabilitation des bâtiments et des infrastructures.
Le département s'engageait ainsi en achetant le terrain et l'usine qui serait louée ensuite à Triaxe.
Le montant de l'intervention s'élèva à 15 millions de Francs pour l'acquisition, 23 millions de Fancs pour les travaux et 3 millions et demi de Francs pour les frais de maîtrise d'ouvrage... Tout ceci hors taxes. Mais une participation du FEDER (Fonds européen de développement régional) fut sollicitée à hauteur de 10 millions de Francs. Un emprunt était nécessaire, il se fit sur 12 ans (durée du bail consenti à Triaxe) et à 10% d'intérêts. La commune de Périgny, à hauteur de 16 365 420 Francs et le SIVOM à hauteur de 11 372 500 F apportèrent leur garantie à cet emprunt, les conseils -municipal de Périgny et syndical- ayant délibéré dans ce sens le 7 février 1992 pour Périgny et le 16 décembre 1991 pour le SIVOM.
Devant les allégations du PDG Michel Tersou au Comité d'Entreprise de Triaxe, selon lesquelles Triaxe ne recevrait pas d'aide des pouvoirs publcs, Michel Crépeau, président du SIVOM, fut contraint de lui écrire le 23 juin 1992 :
"Il a été porté à ma connaissance que vous auriez déclaré, au cours d'un précédent Comité d'Entreprise, qu'en dehors du Conseil Général, les Pouvoirs publics et notamment la commune, n'auraient consenti aucun effort pour favoriser la reconversion du site industriel Peugeot. Ces considérations ont, paraît-il, également figuré dans des lettres de licenciement adressées au personnel.
Aussi je tiens à vous rappeler que l'intervention du Conseil Général...a été permise grâce à l'engagement conjoint de la Commune de Périgny et du SIVOM ...
Aussi, serais-je particulièrement sensible à ce que vous complétiez l'information que vous avez pu diffuser aux membres du Comité d'entreprise, comme à l'ensemble de vos salariés.
Veillez agréer ..."
Un crédit d'impôt pour un montant de 4 003 271,52 F fut par ailleurs consenti à Triaxe.
Ajoutons aussi que c'est la CDA qui dut supporter les frais de dépollution du site.
Intérêts particuliers ?
Ceci n'empêcha pas la société Triaxe d'acquérir comptant le reste (278 272 m2) du terrain appartenant à Peugeot (dans quel but ?) pour 20 000 000 F. Comment comprendre le paiement sans évoquer les bénéfices réalisés par l'ensemble du groupe Tersou dont la situation en 1992 était florissante puisqu'elle affichait un résultat net de 8 802 241 F pour un chiffre d'affaires de 320 670 517 F.
De quoi accusait-on alors Michel Tersou ?
D'utiliser les crédits de la société Triaxe au préjudice même de cette société pour en favoriser d'autres dans lesquelles il avait un intérêt personnel. Ainsi, la société Triaxe avait loué un Yacht (pour 290 570 F) à la société Lilium, dont l'actionnaire majoritaire (50%) était ...Michel Tersou, soit disant pour réaliser des "affaires" (un des clients pressentis n'y montera jamais car sujet au mal de mer !)
Triaxe, règla aussi à une "association" (Association d'amitié franco-sénégalaise) la location d'un hélicoptère pendant 5 semaines au Sénégal. "Pour effectuer des repérages de sites pour implanter des industries agro alimentaires" prétendra cyniquement Michel Tersou lors du procès. En réalité, l'hélicoptère était utilisé par un certain Abdoulaye Wade, qui était candidat aux élections présidentielles du Sénégal et qui parviendra à ses fins en devenant président de ce pays en 2000. Devant l'évidence, Michel Tersou invoquera alors un projet d'implantation d'usine automobile au Sénégal (une délocalisation déjà ?) -qui n'avait pas plus de fondement mais aurait pu être favorisé par l'élection d'Abdulaye Wade- bien qu'il existât alors le fameux projet TX001. Mais il faut savoir aussi que Michel Tersou avait personnellement prêté 2 millions de francs au candidat Wade et en cas d'élection, sans doute aurait-il été mieux remboursé !
Michel Tersou a aussi été accusé d'avoir perçu environ 2 millions de francs par l'intermédiaire de la société Polymont dont il était le seul actionnaire de 1991 à 1995 auxquels s'ajoutaient 500 000 F d'indemnité et 40 000 F de frais de voyage outre 3 millions de francs par la société Triaxe sans compter les multiples avantages somptuaires qui lui permettaient de vivre princièrement.
Et la morale dans tout ça ?
Sous le titre : une faillite programmée, Sud-Ouest écrivait le 1er mars 1996 : "Peugeot a payé Triaxe pour se débarrasser de son usine de Périgny. C'est la principale information qui ressort du bilan économique et social dressé par les administrateurs judiciaires..."
"Comment avons-nous pu nous faire avoir de la sorte ? " s'interrogeait en janvier 1998 François Jaume, conseiller général (La Rochelle 3) et conseiller municipal de La Rochelle (RPR) et il répondait : "Au nom de l'emploi et du développement économique, les collectivités se font trop souvent abuser par des chasseurs de primes et autre escrocs..."
Pour Sud-Ouest encore, sous la plume de Pierre-Marie Lemaire, "...cette faillite retentissante, qui a jeté sur le pavé quelques 550 salariés malgré les dizaines de millions de francs d'argent public injectées dans l'entreprise, ce désastre écononomique, se doublent d'un sinistre judiciaire sans précédent..."
Quant aux salariés licenciés en 1992, ils n'ont eu pendant des années que leurs yeux pour pleurer leur emploi disparu, leurs revenus amputés, leurrs projets de vie détruits. Malgré le soutien de la CGT, la justice est passée beaucoup trop tard pour qu'ils puissent récupérer leur vie.
Alors, la morale ...